Romano a Torino: février 2013

Non loin de Turin se trouve un village fort sympathique au nom d'Ivrea, sympathique pas pour tout le monde, disons pour les ami(e)s aux bonnets rouges.

Ivrea est une ville sympathique de 25 000 eporediesi à 1 heure de train au nord de Torino. Cette ville est donc dans la juridiction de la province turinoise. Elle est distinguée notamment pour être le chef-lieu de la zone historique appelée Canavese et pour son carnaval de début février. Proche des Alpes et traversée par la Doire Baltée, Ivrea a tout l'air d'être une ville dans laquelle il fait bon vivre qui a valu ces bons mots à Giosuè Carducci, poète du 19ème siècle:

"Ivrea la bella,

che le rosse torri specchia

sognando a la cerulea Dora

nel largo seno,

fosca intorno è l'ombra di re Arduino"

"Ivrée la belle,

où les tours rouges se reflètent

en rêvant à la céruléenne Doire

dans la large crévasse,

sombre est l'ombre de roi Arduino qui l'entoure"

Au bord de la Doire Baltée

Héraldique d'Ivrea

On peut observer sur de nombreux écrits le nom d'Arduino. Cet homme, Arduino da Pombia ou Arduino da dadond, est connu sous le nom d'Arduino d'Ivrea pour avoir été le "roi d'Italie" de 1004 à 1014 en ayant été hostile à tous les jougs étrangers.

Mais Ivrea est plus connu pour son carnaval historique qui prend origine en 1808 sur la base d'antiques fêtes de quartier. ce carnaval reflète plusieurs luttes: les luttes entre les divers quartiers, les luttes entre les classes sociales et les luttes contre les divers envahisseurs. Ainsi la guerre est représentée par une bataille... d'oranges!!! oui, d'oranges, plus de 400 tonnes sont utilisées pour 3 jours de batailles. Quel gâchis pourrait-on dire. Effectivement, certaines oranges pourraient être mangées mais d'autres ne sont clairement pas comestibles.

La cérémonie se déroule sur une semaine en célébrant les divers quartiers et corps historiques mais se durcit les trois derniers jours (dimanche, lundi et mardi) pendant les après-midi de bataille. Les confrontations se déroule comme suit:

les divers représentants des quartiers au nombre de neuf (jusqu'à 200 pour chaque fratrie) possède une zone à défendre à pieds avec des oranges;
les divers groupes historiques, envahisseurs, etc ont chacun un char tiré par deux ou quatre chevaux duquel ils lancent des oranges pour attaquer les zones;
les chars attaquant se déplacent dans la ville de zone en zone pour toutes les attaquer et les défenseurs doivent protéger leur zone;
Chaque jour, chaque défenseur élit le meilleur attaquant et chaque attaquant élit le meilleur défenseur pour récompenser les deux vainqueurs du jour.

Les neuf défenseurs:

Les lanceurs d'oranges de l'As de pique (créé en 1947) en casaque rouge/bleue et foulard noir avec pour symbole l'as de pique défendent la piazza Ferruccio nazionale;
Les lanceurs d'oranges de la Mort (1954) en casaque noire et pantalon rouge ont pour symbole un crâne noir sur fond blanc et défendent eux aussi la piazza Ferruccio Nazionale;
Les lanceurs d'oranges des Tuchini del Borghetto (1964) en casaque verte et pantalon rouge ont pour symbole un corbeau noir sur fond blanc et défendent le Bourg;
Les lanceurs d'oranges de l'Echéquier (1964) en casaque à damier blanc et noir et pantalon rouge ont pour symbole une tour orange blanc et défendent la piazza Ottinetti;
Les lanceurs d'oranges de la Panthère Noire (1965) en casaque noire ont pour symbole une panthère noire sur un fond jaune et défendent la piazza del Rondolino;
Les lanceurs d'oranges des Scorpions d'Arduino (1966) en casaque jaune et pantalon vert ont pour symbole un scorpion noir et défendent eux aussi la piazza Ottinetti;
Les lanceurs d'oranges du Diable (1973) en casaque jaune et rouge ont pour symbole un diable rouge sur fond jaune et défendent eux aussi la piazza del Rondolino;
Les lanceurs d'oranges Mercenaires (1973) en casaque grenade et pantalon jaune ont pour symbole une étoile jaune et défendent eux aussi la piazza del Rondolino;
Les lanceurs d'oranges Credendari en casaque bleue et pantalon jaune défendent la piazza Freguglia.

Ce carnaval est bien sûr un jeu confrontant camarades de classes, collègues de boulot et voisins mais est violent et aboutit à des blessés. En effet, une orange lancée avec amour dans un oeil laisse des marques (bien que l'alcool de certains inhibe la douleur) et glisser sur les pavés sur-élevés d'une couche d'orange s'avère plus que dangereux. Pour éviter que le sol ne soit trop glissant, les services communaux épandent du sable ce qui donne un mélange très appétissant! Dans tous les cas, n'ayant pas peur de sacrifier vos chaussures.

Dernier point important pour ne pas effrayer les touristes, leur protection. D'immenses filets verts sont hissés le long des bâtiments pour que les observateurs puissent admirer, prendre des photos et se balader tranquillement à l'abris des projectiles orangés. Cependant rien n'empêche de se balader sur les champs de bataille et d'esquiver les oranges comme on esquiverait la pluie. De plus, il est nécessaire de porter le bonnet phrygien rouge pour ne pas être pris pour une cible. Cette nécessité reste un attrape pigeon pour gagner de l'argent en se faisant une marge conséquente sur un bonnet valant 10 centimes. N'hésitez donc pas à prendre vos bonnets rouge qui suffiront. On peut aussi ne rien porter, mais vous n'aurez aucune excuse si vous tombez sur une troupe voulant vous salir ou vous faire tomber dans la crasse...

Bref, cela reste un évènement super sympa dans une ville chaleureuse peuplée d'habitants accueillants.

Je vous laisse juger de tout cela par vous-même avec les photos suivantes.